Le Réseau des Petits Producteurs SPP se Protège Contre la Fausse Durabilité

VIIIème Assemblée Générale de SPP | 30 julliet 2019

L’Assemblée Générale de SPP Global, le réseau intercontinental regroupant près d’un demi-million de familles de petits producteurs biologiques de 30 pays d’Amérique latine et des Caraïbes, d’Afrique et
d’Asie, a adopté à l’unanimité la déclaration suivante :

1 La course aux prix bas et à la fausse durabilité nous détruit.

  • Depuis des décennies, les prix de la plupart des produits agricoles et artisanaux issus du travail des petits producteurs sont constamment, sauf moments exceptionnels, inférieurs aux coûts de production.
  • En raison des prix extrêmement bas du café, du cacao, de la canne à sucre, du miel, des fruits, des céréales et de nombreux autres produits, les familles de petits producteurs de grandes régions du monde se sont retrouvées sans ressources et ont dû abandonner leur production et migrer à la recherche d’autres moyens de subsistance.
  • Les petits producteurs qui parviennent à participer aux marchés préférentiels se heurtent à la pratique méprisable – mais malheureusement courante – consistant, pour les entreprises qui participent par opportunisme à ces marchés préférentiels, à acheter les produits par « combos ».
  •  Autrement dit, ces acheteurs acceptent de payer un prix équitable certifié pour une partie des produits, à condition que nous voulions bien leur vendre à vil prix un produit complémentaire, ce qui réduit à néant nos profits mais permet de tromper les consommateurs.
  • Outre la faiblesses des prix, les petits producteurs sont à présent confrontés au rejet de leurs produits sur les marchés internationaux, car malgré leur certification écologique, ils sont affectés par la pollution massive de la terre, de l’eau et de l’air que provoquent le glyphosate et autres produits agro-toxiques, qui nuisent à la majorité mais rapportent d’immenses profits à une minorité de multinationales.
  • Il y a eu récemment plusieurs cas de rétention de produits dans les ports de départ et d’arrivée en raison de ces pollutions causées par l’industrie agro-toxique, entraînant des pertes économiques irréparables pour les familles et organisations de petits producteurs.
  • Paradoxalement, il devient de plus en plus difficile pour les petits producteurs d’obtenir une certification biologique, les exigences à remplir étant de plus en plus nombreuses et les démarches plus coûteuses, alors que les prix de nos produits stagnent.
  • Nous nous réjouissons de la forte croissance que connaît le marché des produits bio grâce à la sensibilisation accrue des consommateurs qui partagent les mêmes préoccupations environnementales que les petits producteurs.
  • Nous constatons néanmoins avec inquiétude que ce sont principalement les grandes exploitations agricoles qui profitent de ce marché en pleine croissance et qui mènent une concurrence déloyale aux petits producteurs grâce au dumping.
  • Dans les plus grands forums internationaux, comme au cours du dernier Forum Mondial des Producteurs de Café, on dit aux petits producteurs que la seule voie face aux gros exploitants agricoles est celle de la concurrence, de l’efficacité et de la productivité, ou encore, l’abandon des terres et la recherche d’emploi.
  • Nous constatons que les prix plancher payés aux producteurs, jugés auparavant « équitables » ne leur permettent plus de tirer un revenu décent de leur activité. C’est encore plus vrai pour les producteurs biologiques de haute qualité de SPP Global.
  • Certains estiment qu’il est impossible d’augmenter ces prix à l’heure actuelle car l’écart par rapport aux prix des produits conventionnels deviendrait si important qu’il entraînerait une forte diminution de part de marché. En tant que producteurs, nous sommes donc censés nous contenter du marché « le moins pire ».
  • Bien que tout le monde s’accorde sur le fait qu’il est indispensable que les prix du marché permettent d’assurer un revenu décent aux petits producteurs, nombreux sont ceux qui pensent que cet objectif ne pourra s’atteindre qu’à long terme et à condition que les petits producteurs changent de mode de production.
  • Nous craignons donc que la responsabilité de corriger les dysfonctionnements du marché ne retombe une fois de plus sur les épaules des petits producteurs, à qui on reproche leur inefficacité et improductivité supposées, tandis que les petites exploitations seraient condamnées pour cause de nonviabilité.
  • En d’autres termes, la solution prônée n’est pas d’obtenir de meilleurs prix pour les producteurs, mais de les obliger à s’adapter à la situation actuelle et à réduire drastiquement leurs coûts de production pour accroître leur productivité et leur efficacité.
  • Nous, organisations de petits producteurs membres de SPP, sommes constamment à la recherche de solutions permettant d’améliorer la qualité et la productivité de notre activité, à condition toutefois que ces solutions s’inscrivent dans le cadre de la durabilité écologique et du bien-être de la collectivité, et qu’elles soient, évidemment, à notre portée.
  • Et pourtant, le modèle de durabilité qui nous est vanté est celui de la production automatisée et industrialisée à grande échelle, comme si la durabilité n’était qu’une question de rendement financier.
  • Nous pensons que c’est précisément cette prétendue efficacité de la grande production monopolistique qui a conduit à cette crise que constitue la stagnation des prix bas payés aux producteurs.
  • C’est le modèle économique dominant à l’heure actuelle, celui de l’optimisation des profits, qui, de notre point de vue, est la cause de l’aggravation de la précarité, du chômage de masse et de la destruction des équilibres écologiques planétaires.
  • Les consommateurs sont systématiquement trompés ; ils pensent acheter des produits bon marché, y compris certifiés durables, alors qu’ils finissent en réalité par les payer très cher en termes de destruction écologique, de précarité, de chômage et de violence.
  • Nous constatons hélas que les modèles de durabilité promus par de nombreux gouvernements, entreprises et instances de réglementation ne modifient pas fondamentalement le modèle d’exploitation outrée et continue des ressources naturelles et humaines, et ne sont finalement que du ravalement de façade ou des artifices visant à se voiler la face.

2 Les petits producteurs vous invitent à rejoindre la vraie durabilité, dès aujourd’hui.

  • Le réseau intercontinental de producteurs SPP rassemble aujourd’hui environ 120 organisations, soit au total un demi-million de petites exploitations et 2,5 millions de personnes réparties dans 12 pays d’Amérique latine et Caraïbes, 9 pays africains et 3 pays asiatiques.
  • Nous avons avancé, avec nos partenaires commerciaux, dans l’aménagement d’un marché en croissance dans près de 50 pays, avec des prix qui respectent et dépassent même les prix plancher que nous, petits producteurs, avions fixés, bien au-delà, donc, des prix du marché conventionnel.
  • Nous avons par exemple atteint, dans le cadre des contrats SPP du dernier cycle, un prix moyen de 2,35 USD la livre de café, alors que le prix plancher du café arabica vert SPP était 2,20 USD et que le
    marché avait atteint un niveau historiquement bas (0,90 – 1,15 USD). Autrement dit, nous avons réussi à doubler notre prix.
  • La vente de produits alimentaires et d’objets artisanaux a toujours été un levier important pour lutter contre la pauvreté et construire un avenir digne de ce nom pour les petits producteurs ruraux et les
    peuples autochtones.
  • Selon la FAO, la production agricole des petits exploitants contribue grandement à la santé de la planète et à un avenir meilleur pour tous, en préservant une production assurant la suffisance alimentaire mondiale.
  • Les petits producteurs bio membres de SPP cultivent leurs terres à l’aide de techniques et de pratiques qui protègent, préservent et régénèrent les équilibres naturels de la flore et de la faune, les microclimats, les nappes phréatiques, les sols, les forêts et les jungles tropicales.
  • Localement, les produits des petits producteurs membres de SPP génèrent plus de valeur ajoutée, créent des emplois sur les exploitations et participent au développement économique.
  • Les petits producteurs membres de SPP sont également respectueux de l’égalité entre les hommes et les femmes et promeuvent des modèles démocratiques de prise de décision, une économie inclusive et une plus grande autonomie alimentaire.
  • Les petits producteurs membres de SPP sont attachés à la haute qualité de leurs produits et entretiennent une relation personnelle et intime avec le processus de production, leurs clients et les
    consommateurs.
  • Les produits labellisés SPP sont constamment primés tant au niveau national qu’international. C’est le cas, par exemple, du café et du cacao de nos producteurs.
  • Les Organisations de Petits Producteurs luttent depuis les années 1960 pour un meilleur accès aux marchés et un revenu décent.
    • Aujourd’hui, les petits producteurs réunis au sein de SPP Global se refusent à disparaître. Par nos pratiques et en collaboration avec nos partenaires commerciaux, nous démontrons ce qu’est la durabilité véritable.
  • Les prix SPP permettent aux producteurs qui parviennent à écouler la totalité de leur production dans les conditions SPP, d’obtenir enfin un revenu décent.
  • Il est essentiel que les consommateurs comprennent à quel point le fait de payer des prix plus élevés peut avoir des répercussions positives importantes sur la vie des petits producteurs, pour un impact minime sur leur portefeuille.
  • Les grandes marques agroalimentaires et la grande distribution enregistrent de gros bénéfices. Les prix bas payés aux producteurs ne se traduisent pas en une baisse des prix pour le consommateur final.
  • Grâce à SPP, nous avons pu constater qu’il était possible de rester concurrentiel tout en payant correctement nos producteurs, et ce aussi bien dans le circuit des boutiques spécialisées que dans celui
    de la grande distribution.
  • Heureusement, de plus en plus d’entreprises s’engagent auprès des petits producteurs et acceptent de payer des prix supérieurs aux prix plancher SPP. La valeur marchande des produits SPP a ainsi
    enregistré une croissance annuelle de plus de 30 %.

Pour conclure, nous sommes convaincus qu’on ne saurait qualifier de « durable » un produit entraînant des dégâts écologiques, sociaux ou économiques, quelle que soit sa qualité et son acceptation sur le marché, et quelle que soit la rentabilité, au profit de quelques-uns uniquement, de sa production et de sa commercialisation.

Nous, petits producteurs de SPP, appelons à faire connaître et reconnaître la réalité de la vie des petits producteurs. Il faut que les coûts de production des petits producteurs soient connus et transparents, y compris les coûts dissimulés, comme le travail familial et le travail des femmes. Il est également indispensable de donner une plus grande visibilité et une plus grande reconnaissance à la contribution des petits producteurs en faveur d’une planète plus saine, d’une économie plus inclusive et d’une société plus démocratique.

Avec la croissance du marché SPP, nous constatons que les petits producteurs, les entreprises et les consommateurs peuvent créer ensemble, dès aujourd’hui, un marché de produits vraiment durables, assurant des revenus vraiment décents, qui mettra les producteurs à l’abri des abus et préservera les consommateurs des fausses promesses de durabilité.

Nous sommes très heureux que SPP nous ait permis d’obtenir une plus grande part de marché et de nous faire entendre dans les débats concernant les politiques publiques et les évolutions de la réglementation. Cette année, nous avons été invités par des organisations comme l’IFOAM et l’Association mondiale des cafés de
spécialité (SCA), à participer, en tant qu’authentiques représentants du secteur international des petits producteurs biologiques, aux débats internationaux sur ces thématiques.

Les efforts de SPP concernant la défense des droits des petits producteurs et la promotion de leurs apports positifs ont été salués aussi bien par nos propres membres que par d’autres organisations de petits producteurs.

Chez SPP Global, nous nous sentons plus forts de jour en jour, et toujours plus animés par volonté de suivre la voie du renforcement et de l’unité du secteur des petits producteurs, en partenariat avec les mouvements paysans et les peuples autochtones, afin d’agir en faveur de la production biologique, de la consommation responsable, du commerce équitable, du coopérativisme, de l’économie solidaire et de la responsabilité sociale des entreprises.

Nous appelons les consommateurs, les producteurs, les entreprises et la jeunesse conscientisée à rejoindre le réseau des petits producteurs SPP pour une durabilité intégrale, authentique et réelle.

La force faisant l’union, nous pouvons dès aujourd’hui créer une réalité différente et résoudre les problèmes que vivent des millions de familles de petits producteurs.

Au nom de l’Assemblée générale de SPP Global,
30 juillet 2019
Nelson Melo Maya
Président de SPP Global

– Pour télécharger la Déclaration (PDF) cliquez ici.